Différence entre graphologue et expert des écritures
Si le graphologue interprète une écriture manuscrite afin d’établir un portrait psychologique, l’expert en écriture cherche l’authenticité d’un document en le comparant à des écrits connus.
Il existe différentes formes d’expertise :
- L’expertise privée ou amiable
Elle s’effectue à titre préventif avant toute instance en vue, soit d’un rapprochement avec les parties adverses, soit pour être produite en justice ou tout simplement afin d’être rassurée.
- L’expertise judiciaire
En droit, l’expertise est une mesure d’investigation technique ou scientifique qu’un juge confie à un expert choisi par une liste.
En droit pénal, cette mesure est prise par le juge d’instruction dans le cadre d’une instruction. Elle est non contradictoire.
En droit administratif ou civil, le juge peut recourir à l’expertise lorsque les parties le demandent ou de sa propre initiative.
Au civil, l’expertise est contradictoire.
Plus précisément :
L’expertise privée
Elle est très souvent sollicitée par des particuliers ou des entreprises pour des comparaisons d’écriture.
Les motifs ne manquent pas comme les lettres anonymes, les lettres de menace, les inscriptions anonymes injurieuses ou diffamatoires, les testaments olographes, les faux graphiques, les lettres de cautionnement, les signatures , etc.
C’est souvent avant une procédure judiciaire, mais non ordonnée par une juridiction comme l’expertise judiciaire.
Il arrive toutefois que bien des avocats conseillent à leurs clients de faire établir des expertises privées afin de produire des preuves.
En effet, le juge ne peut se fonder que sur des preuves dont l’expertise privée est un élément essentiel dans l’appréciation du litige, même si elle reste une preuve « acceptable».
L’expertise privée doit être corroborée par d’autres preuves comme par exemple un constat d’huissier, des devis, d’autres expertises privées, etc.
L’expertise privée est donc conseillée pour apporter des éléments de preuves, même si cela ne saurait être suffisant.
L’expertise privée ne peut fonder en aucun cas et à elle seule, une décision de justice.
Les avantages d’une expertise privée sont sa rapidité et son coût plus limité.
De plus :
Un décret n° 2021-1322 du 11/10/2021 du Code de procédure civile, applicable le 1/11/2021 (1) octroie la valeur d’expertise judiciaire à l’expertise dite privée.
L’expertise privée se voit attribuer une valeur probatoire équivalente à celle de l’expertise judiciaire, à condition de respecter certaines dispositions, notamment le principe contradictoire.
Le principe contradictoire, fondamental en procédure civile, reste au cœur de ce dispositif. Il assure aux parties la possibilité de faire valoir leurs arguments et de présenter les éléments de preuves nécessaires, tout en permettant à la partie adverse de répondre de manière équitable. Cette garantie s’applique tant aux parties qu’aux magistrats, le juge étant le gardien du respect absolu de ce principe, tout comme l’expert, en tant que délégataire.
Cette reconnaissance de la valeur probatoire de l’expertise privée vise principalement à désengorger les tribunaux, notamment en accélérant les procédures d’expertise et en réduisant les coûts judiciaires. Cependant, pour bénéficier de cette reconnaissance, l’expertise privée doit respecter scrupuleusement le principe contradictoire. Toutes les parties impliquées doivent être informées et participer de manière diligente.
L’expertise amiable
Comme l’expertise privée, l’expertise amiable n’a pas été ordonnée par un juge ; c’est une expertise accomplie à la demande de toutes les parties intéressées et avant toutes difficultés (et en prévision d’un éventuel litige).
Si les règles de la procédure relative à l’expertise judiciaire n’ont pas à être prises en considération, le principe du contradictoire doit être appliqué.
En règle général, ce sont les avocats qui doivent convaincre leur client respectif de l’utilité pratique et économique de s’entendre sur une expertise amiable.
Cette expertise se déroule comme l’expertise judiciaire, toutes les parties étant présentes dans le respect du contradictoire : toutes les parties en conflit sont prévenues et participent de bonne foi.
Les avantages d’une expertise amiable :
Lorsqu’elle respecte le principe du contradictoire, l’expertise amiable offre plusieurs avantages par rapport à l’expertise judiciaire ;
Le principal atout réside dans la possibilité de parvenir à un accord en dehors des tribunaux, permettant ainsi une résolution rapide des conflits, sans nécessiter l’intervention d’un magistrat. Cette approche permet également de réduire considérablement la durée des travaux d’expertise, étant affranchie des contraintes imposées par le Code de procédure civile dans le cadre d’une expertise judiciaire.
Les coûts d’expertise sont significativement réduits, notamment en ce qui concerne les notifications en lettre recommandée, souvent nombreuses dans le cadre d’une expertise judiciaire et proportionnelles au nombre de participants. De plus, les parties ont la possibilité de partager aux frais d’expertises.
Contrairement à l’expertise judiciaire où l’expert est désigné par la juridiction, les parties peuvent choisir l’expert de manière concertée dans une expertise amiable.
Cette liberté permet de rejeter un expert proposé par la partie adverse en cas de conflit d’intérêts, de manque de compétences ou d’impartialité, avant ou pendant les travaux d’expertise, sans compromettre le processus.
Bien que le code de procédure civile stipule que l’expert doit répondre aux derniers dires des parties dans son rapport final (2), les échanges sont souvent laborieux en raison de la communication écrite. En revanche, dans le cadre d’une expertise privée, ces débats peuvent être organisés en présentiel ou par visioconférence, offrant ainsi aux experts la possibilité de répondre, en une seule séance, à toutes les questions techniques soulevées par les parties, leurs avocats et leurs experts, en cours d’expertise ou après la diffusion du prérapport.
L’expertise judiciaire
Elle est mise en œuvre par décision de justice. Les procédures de saisine de l’expert judiciaire sont réglées par des dispositions du code de justice qui diffère selon l’ordre judiciaire (en matière civile, pénale ou administrative). L’expert est nommé par le juge saisi de l’affaire. Les magistrats et les avocats ne sont pas experts techniques, mais juridiques ; aussi, ils fondent leurs décisions sur des expertises.
Il est difficile de contester une expertise judiciaire, mais son coût est plus important, son caractère plus lent.
Il faut, pour organiser une expertise judiciaire, prendre les précautions nécessaires afin de s’assurer que le principe du contradictoire soit respecté ; cela implique la désignation de l’expert, la consignation d’une somme, une concertation des agendas, de l’organisation d’une ou plusieurs réunions d’expertises avec la possibilité de produire des « dires », soit des notes et la production de prérapport débattu par les parties, puis d’un rapport.
Pourquoi demander une expertise judiciaire ?
L’expertise judiciaire permet au juge une appréciation totalement objective sur un point qui ne relève pas de sa compétence.
Elle caractérise un état de fait et établit éventuellement les responsabilités d’intervenants incriminés.
Elle est utile dans des domaines techniques autres que juridiques, et elle est très utilisée par les avocats dans de nombreux domaines.
Comment se déroule une expertise en écriture ?
Selon le cas traité, on n’abordera pas le problème de la même manière pour expertiser une lettre anonyme, un faux graphique, un testament ou une signature.
Pour les lettres anonymes
Par nature, l’auteur est inconnu.
Elles se présentent souvent :
- Avec une écriture non déguisée,
- Avec une écriture non déguisée, mais déformée,
- Écrite de la main gauche pour un droitier, de la droite pour un gaucher
- Une écriture imitant la typographie,
- En écrivant entre les dents,
- Une écriture dont l’avancement est vertical,
- Une écriture effectuée au moyen d’un trace-lettres,
- Écriture obtenue par collage de lettre ou mots découpés dans des journaux ou avec des lettres transferts (ne sont pas du ressort des experts en écritures)
Ce n’est pas limitatif, l’imagination peut aller loin…
Pour les faux graphiques
On les distingue par altération mécanique (gommage, grattage, lavage, etc.) ou physique (surcharge, caviardage – recouvrir d’un enduit noir, pour rendre illisible un passage d’un texte interdit par la censure -censurer en biffant les passages d’un texte, en supprimant une partie d’une publication) ou imitation.
Ce sont souvent des testaments, la signature de chèque, ordres de virement, reconnaissance de dettes, etc.
Pour les testaments olographes
Simples écrits dans lesquels le testateur fait connaître ses intentions.
Selon l’article 970 du Code civil (3) , pour être valable, un testament olographe doit être écrit, daté et signé de la main du testateur.
La majorité d’entre eux ont des écritures naturellement dégradées par l’âge ou la maladie.
Sont souvent rencontrés des testaments dits à main guidée qui sont rédigés avec la participation d’une main étrangère ou avec une aide matérielle (tracé sous-jacent au crayon ou en sillons).
Pour les signatures
Depuis Henri II et une ordonnance de 1554, la signature sert à attester qu’on est l’auteur d’un écrit.
Il existe différents types de fausses signatures dont :
- L’imitation libre
Le faussaire s’est exercé à imiter le mouvement de la signature
- L’imitation servile
Le faussaire cherche à reproduire le plus fidèlement possible les détails morphologiques en s’inspirant d’un modèle qu’il recopie à main levée.
- La signature de fantaisie
Le faussaire laisse libre cours à son imagination.
- L’autoforgerie
Le principe est de modifier sa propre signature afin de la dénier ensuite.
- Le calque
Pas souvent utilisé par manque de spontanéité.
- Repiquée par photomontage
- La griffe (tampon en caoutchouc ou en métal reproduisant exactement la signature)
- Le blanc-seing (signature apposée avant la rédaction de l’acte).
Comment prouver que ma signature est fausse ?
Pour prouver une fausse signature, une action en faux doit être intentée en justice.
Si l’infraction est prouvée, le juge peut condamner son auteur à 3 ans d’emprisonnement et à 45 000 euros d’amende (4).
L’expertise en écriture et l’usurpation de signature
L’usurpation de signature est une infraction définie par le Code pénal (article 441-1). Elle est constituée par une altération frauduleuse de la vérité dans le but de causer un préjudice à autrui par la falsification d’un écrit ou l’utilisation d’une signature. Pour être caractérisée, cette infraction exige la justification d’un préjudice matériel, financier ou moral.
Les sanctions pour usurpation de signature varient en fonction du type de document falsifié. Dans le cas d’un faux en écriture privée, l’auteur encourt jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et une amende pouvant atteindre 45 000 euros (4). Si l’usurpation concerne un document délivré par une autorité publique, les peines peuvent être majorées jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. En outre, des peines plus sévères sont prévues pour certains cas spécifiques, tels que l’usurpation de signature sur des actes établit par des officiers publics ou la falsification de diplômes.
En résumé, l’usurpation de signature est une infraction grave qui peut entraîner des sanctions pénales importantes, en fonction de la nature et du contexte de
la falsification.
Pour prouver une fausse signature, une action en faux doit être intentée en justice. L’expertise en écriture y joue un rôle essentiel, fournissant des preuves cruciales (5).
L’expertise en écriture et L’usurpation de signature dans les séparations
L’usurpation de signature est un délit grave.
Il arrive régulièrement lors d’un divorce ou d’une séparation que soit révélée au grand jour l’insolvabilité d’un des conjoints suite à des dettes contractées, sans que ce dernier soit au courant des contrat signés.
Les prêteurs en ligne facilitent souvent ces escroqueries en permettant des procédures de crédits simplifiées, mais peu sécurisées, basées sur la fourniture de simples photocopies de pièces d’identité.
Les victimes peuvent être confrontés à des interdictions bancaires et à des litiges avec les prêteurs pour contester les contrats de crédits frauduleux.
Prouver l’usurpation de signature dans de tels cas nécessite une expertise en écriture pour déterminer si la signature contestée et authentique ou falsifiée. Elle établira si la victime est à l’origine de la signature ou pas. Cette expertise peut être réalisée à la demande de la victime, du prêteur ou du tribunal, et peut faciliter une résolution amiable du litige.
Les contrats de crédit litigieux sont soumis à l’examen minutieux des experts en écriture, qui recherchent des preuves de falsification ou d’altération (6).
Fausse signature ET/OU comment l’utilité de l’expertise en écriture afin d’éviter de rembourser un crédit.
Dans un litige où un kit photovoltaïque a été livré sans fonctionner et que la banque est débloquée le crédit sur la base d’une attestation de fin de travaux non signés par les emprunteurs, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence offre une réponse dans un arrêt.
La situation implique un couple d’acheteurs privés ayant signé un contrat de crédit pour l’acquisition d’un ensemble photovoltaïque. Après la livraison et l’installation défectueuse, les acheteurs découvrent que la banque a débloqué les fonds sans leur consentement préalable, invoquant une attestation de fin de travaux qu’ils nient avoir signée.
Les acheteurs poursuivent en justice pour annuler la vente et le contrat de crédit. La banque se défend en produisant ladite attestation.
La Cour d’appel, consciente de l’importance cruciale de cette attestation pour le déblocage du crédit, accorde aux acheteurs la désignation d’un expert en écriture à leurs frais. Si cette expertise révèle la fausseté de la signature sur l’attestation, la cour pourrait infirmer le jugement initial et exonérer les acheteurs du remboursement du crédit (7).
Faux testament olographe et l’expertise en écriture
La pandémie du Covid-19 a entraîné une augmentation significative du taux de mortalité et du nombre de partages à traiter chez les notaires, mais aussi, du nombre important de faux testaments olographes.
Le testament olographe, rédigé entièrement à la main, daté et signé par le testateur, est une modalité testamentaire simple et largement utilisée en France. Cependant, il est crucial que le document provienne intégralement du testateur lui-même, sans intervention extérieure, pour être valide légalement.
« Le testament olographe ne sera point valable s’il n’est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur : il n’est assujetti à aucune forme. » (Article 970 du Code Civil) (4)
L’introduction d’un faux testament olographe dans une succession est une préoccupation majeure ;
Si les « vrais » testaments sont découverts après le décès, souvent par un héritier parmi les effets personnels du défunt, les faussaires peuvent également tenter d’introduire de faux documents par courrier ou dépôt en boîte aux lettres, rendant la détection de la fraude difficile.
La détection d’un faux testament olographe peut impliquer diverses manipulations, telles que changer la date ou imiter la signature du testateur. Ces falsifications peuvent être difficiles à repérer, mais des incohérences dans le document telles des changements de graphismes ou des surcharges, peuvent éveiller des soupçons.
Pour déterminer l’authenticité d’un testament olographe, il est nécessaire de recourir à un expert en écriture.
L’expertise des écritures joue un rôle essentiel dans la détection et la caractérisation des faux testaments olographes, fournissant des preuves cruciales dans les litiges liés aux successions (8).
Sources :
(1)Décret n°2021-1322 du 11octobre 2021 Article 1554 Alinéa 2
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044194093
(2) Article 276 Code de Procédure Civile
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006410415
(3) Article 970 du Code Civil
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006434066
(4) Article 441-1 du Code Pénal
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006418753
(5) Usurpation de signature
https://www.capital.fr/votre-argent/usurpation-signature-1380596
(6) Usurpation de signature dans les séparation
https://www.lagbd.org/Divorce_interdit_bancaire_et_faux_credits
(7) Arnaque kit photovoltaïque
https://www.village-justice.com/articles/Arnaque-photovoltaique-fausse-signature,14726.html
(8) Détournement d’héritage et faux testaments olographes
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